Echternach, Beaufort, Larochette, Rosport, Diekirch…
Le Restaurant l'Etalon, le Restaurant Meyer, l’hôtel Op Mélick,
le Parnass, le Pavillon du Lac… Ces noms longtemps inconnus de moi forment
aujourd’hui la toponymie de mon univers, réduit à ces quelques
kilomètres de forêts et de routes tortueuses où je
terminerai mon existence, au milieu de mes compagnons d’infortune, voyageurs
et clients de l’Hôtel.
Je suis ici depuis un mois et trois jours. Je passe
l’essentiel de mes journées au bord de la piscine de l’Hôtel,
ou dans ma chambre, à rédiger des lettres à mes proches,
dont je n’ai pu envoyer aucune jusqu’ici – mais il y a des pigeons dans
la cour, je ne désespère pas d’en apprivoiser un, et de rétablir
par son biais la communication avec le monde extérieur. Les soirées
sont plus mouvementées, je ne sais pourquoi. Il n’est pas rare qu’un
client de l’Hôtel, accablé par des jours, des semaines, des
mois en ces lieux (parmi les plus décrépis d’entre eux, dont
les regards ne semblent plus voir ce qui les entoure, mais seul l’au-delà
que constitue désormais le monde que nous avons connu auparavant,
certains seraient ici depuis des années) ne s’effondre dans le Hall,
ou soit pris de convulsions, de larmes, ou d’une fureur incontrôlable.
Avec d’autres récents arrivés, nous veillons sur eux.
Devant les plaintes des populations locales, harassées par des voyageurs sales, hagards et affamés, errant de village en village, le gouvernement fit construire, au milieu du siècle, autant d’hôtels que les associations de défense du paysage le tolérèrent. Il s’agissait de faire vite. On ne dénombrait plus les poules volées et abandonnées à moitié dévorées, les champs pillés. Les premiers hôtels étaient rudimentaires.
Certains partaient un beau matin, annonçant qu’ils marcheraient tout droit jusqu’à être revenus dans le monde du dehors. Aucun journal télévisé n’a jamais fait état d’un voyageur miraculeusement rentré chez lui. Certains, après des nuits sans dormir, étaient pris de rage et se mettaient à creuser le sol, espérant aboutir « quelque part, mais ailleurs ». D’autres essayaient le delta-plane ou les propulseurs artisanaux. Nous avons mis trois jours à redescendre le corps d’un dermatologue autrichien, littéralement enroulé au tronc d’un haut sapin, sur les cimes de la forêt. D’autres encore préféraient se tirer directement une balle dans la tête.
J’étais parti par une fin d’après-midi chaude et agréable, dans ma puissante Mercedes d’occasion qui me servait tous les vendredi soir à gagner mes points de rendez-vous ; il vaut mieux avoir un bon véhicule lorsque l’on passe comme moi sa vie sur la route. J’avais passé