— Au fond, tu n’es qu’un égoïste… Tu parles de vivre à ta guise, sans personne pour te retenir, sans personne qui dépende de toi ou dont tu dépendes… mais en réalité tu n’attends qu’une chose, que je te laisse seul, tranquille, pour que tu puisses aller te détruire librement. Quand tu dis laisse moi vivre, en réalité ça signifie laisse moi mourir… et je ne supporte pas ça.

Mathilde avait vu juste ; mais je me suis tiré quand même. J’ai pris un peu de linge, quelques bouquins, j’ai pris tout le liquide planqué sous mon lit, et je me suis tiré. Il y avait cet étang, à une vingtaine de kilomètres. J’y étais traîner quelques fois, quand les jérémiades de Mathilde ou de mon entourage devenaient réellement insupportables. C’était un camping un peu paumé à la sortie de Nine Barns, où les gosses faisaient du pédalo et nageaient juste à côté du panneau « Baignade interdite », où chaque estivant – possédant son châlet à l’année, baptisé « Les picoleurs » ou un truc du genre – se balladait avec son berger allemand, et où personne ne vous demandait ce que vous veniez foutre ici, lors du barbecue géant, chaque fin de semaine. Un cimetierre d’éléphant parfait, enfin, où j’allais pouvoir prendre un peu de bon temps en voyant venir – « voir venir » étant ma spécialité, un truc breveté à moi. Il faisait sacrément beau quand je suis parti. J’ai roulé une petite demie-heure, en y allant doucement, m’arrêtant au supermarché du coin pour faire provision de bière, de clopes et de nourriture – saucisses fumées, crackers, fromage de chèvre conservé dans de l’huile d’olive, bonbons et saloperies diverses. J’arrivais au camping vers 17 heures. La petite vieille au guichet n’eut pas un regard pour ma barbe de quinze jours et mon torse nu un peu noir de crasse en sueur. Je ne devais pas être le seul à se laisser dans le coin. Ca me convenait parfaitement.

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